L'histoire de Barcelonnette
Une bastide fondée au 13e siècle
Le plan géométrique de Barcelonnette avec ses ilots régulièrement bâtis autrefois protégés par une enceinte (22 tours et 4 portes) remonte à sa fondation-reconstruction située entre 1181-1231, et placée sous l'autorité du Comte Raymond Bérenger V qui lui donne comme nom, Barcelone de Provence. Ce plan s'est maintenu intact jusqu'à nos jours.
Dotée d'une charte qui lui accorde les droits d'une communauté autonome, Barcelonnette est alors une des grosses villes de Provence où s'installe un important couvent des Dominicains édifié en 1316 et dont seule persiste aujourd'hui la Tour (Tour Cardinalis), un collège régit par les Doctrinaires (1646) et un hôpital (1634-1717) qui accueille aujourd'hui la Médiathèque.
L'héritage urbain classique
Avec le rattachement de la Vallée à la France en 1713 (Traité d'Utrecht) et la paix enfin retrouvée, Barcelonnette se dote d'un ensemble remarquable de constructions urbaines classiques régulièrement ordonnancées qui serviront de modèles aux premières villas suburbaines : façades symétriques, portes d'entrées soulignées par un balcon central, chaînages d'angle en marbre rose de Serennes.
Les façades exposées plein Sud s'ornent également de cadrans solaires.
Voûtées au rez-de-chaussée, les demeures abritent souvent un escalier monumental où alternent des rampes à balustres en plâtre au dessin baroque ou des rampes en fer forgé. Les portes ouvragées sont en noyer de pays.
Une ville en mutation
les grands chantiers (1910-1940)
Entre les deux guerres, la ville se dote de nouveaux équipements publics et privés : le collège (1919-1956), les casernes (1911-1913), le monument aux Morts (1921) et la statue du Maréchal Berwick (1926) signés du sculpteur parisien Paul Landowsky, la banque de Barcelonnette (1925), l'église paroissiale Saint-Pierre (1924-1928), le Pavillon Jules Béraud qui dote l'ancien hôpital d'une salle de radiographie (1921-1926), l'Hôtel de ville (1934), et le Marché Couvert (1936).
Seules les aquarelles des Demoiselles Reynaud perpétuent le souvenir des anciens monuments de la gente cité (à découvrir au musée de la Vallée).
L'Hôtel de ville
Le legs de Jules Béraud (1925)
Le nouvel hôtel de ville édifié en 1934 est l'œuvre des architectes cannois Jacques et André Robert. L'ambitieuse construction se distingue par son enveloppe brutaliste, son imposant soubassement exécuté en gros moellons irréguliers et bossagés (en pierre marbrière de Serennes), et sa couverture en tuile mécanique rouge. Le chantier confié aux entrepreneurs Tomasini et Civalero a été financé grâce au legs de Jules Béraud (1856-1925), ancien négociant à México.
Une vocation touristique ancienne
La Vallée attire une nouvelle clientèle désireuse de faire des cures d'air et passer à la montagne la saison des fortes chaleurs. Elle s'ouvre au tourisme naissant avec la création de la Route des Alpes (Nice-Thonon-Évian).
Un syndicat d'initiative est créé à Barcelonnette en 1910 à l'initiative du peintre Jean Caire. En 1928, la petite ville des Alpes obtient son classement comme station de tourisme.
Un service de Messageries, un grand hôtel (Hôtel des Alpes) voient le jour qui accueilleront bientôt une nouvelle activité touristique avec la naissance des sports d'hiver…
Des hommes et femmes au destin unique
De nombreuses personnalités alpines verront le jour (ou résideront) à Barcelonnette parmi lesquelles : l'avocat et député libéral Jacques-Antoine Manuel (1775-1827), l'homme d'État français Paul Reynaud (1878-1966), le sénateur André Honnorat (1868-1950), fondateur de la Cité internationale universitaire de Paris, la poétesse de langue provençale, Germaine Waton de Ferry (1885-1956), signe en 1932 la Pastourala de la Valeia... Émile Chabrand (1843-1893), le voyageur naturaliste de Barcelonnette se distingua par un tour du monde réalisé en 324 jours, dont il publia l'étonnant récit en 1892.
Voyage aux Amériques
Familiarisés depuis des générations avec le commerce et les voyages grâce à l'activité du colportage hivernal de tissus et bonneterie, les Gens de la Vallée (environ 2 500 personnes) émigrent aux Amériques (Louisiane, Mexique, Argentine, Brésil), entre 1805 et 1955, et développent des commerces de tissus puis des ateliers de filature et tissage.
D'abord en Louisiane, sur les rives du Mississippi où ils s'installent et deviennent commerçants-planteurs.… puis au Mexique, au cœur des principales métropoles où ils édifient d'imposants magasins de nouveautés copiés sur le modèle parisien, et qui appartiennent aujourd'hui au patrimoine monumental mexicain.
De retour du Mexique
Après de longues années d'émigration, les plus chanceux des soyeux du Mexique rentrent en France et partagent leur temps entre Paris, la Côte d'Azur (villégiature hivernale) et la Vallée où ils construisent une villa (villégiature estivale) mais aussi prennent une part active à la vie de la cité : les uns deviennent maire (ou conseiller municipal), les autres soutiennent les projets d'embellissement urbain et les nouveaux équipements publics.
Barcelonnette accueille régulièrement les descendants des émigrants, aujourd'hui rassemblés au sein de l'association Racines Françaises au Mexique fondée à México en 2003.
Ils sont de plus en plus nombreux à faire le voyage en Ubaye, sur la terre de leurs ancêtres. Chaque été, en août, Barcelonnette invite les Fêtes Latino-Mexicaines…
Une ceinture de villas
Réparties sur une vingtaine d'hectares à la périphérie de la ville médiévale, les villas de Barcelonnette rassemblent une cinquantaine de constructions édifiées entre 1870 et 1930, donnant naissance à un urbanisme de villégiature où parcs et jardins, plantés d'essences rares et savamment dessinés, constituent le nouveau tissu urbain, à l'instar des villes d'eaux et stations thermales contemporaines.
La plus forte concentration de villas se situe à l'est de la ville, dans les nouveaux quartiers des allées au tracé homogène : avenue de la Libération, avenue Antoine Signoret, avenue Porfirio Diaz (ainsi baptisée du nom du président mexicain en 1907), allée des Dames.
Triomphe de l'éclectisme
Avec l'apparition de la villa-château dans les riches années 1890, Barcelonnette se dote d'une architecture moderne et pittoresque totalement inédite dans la Vallée.
Sous la signature d'architectes venus de Marseille, Grenoble, Paris mais aussi de Lugano (Suisse italienne), les nouvelles constructions adoptent un plan complexe, asymétrique et se distinguent par d'importants combles brisés recouverts d'ardoise d'Angers.
Le répertoire architectural éclectique et fantaisiste puise à toutes les époques, mêle tous les styles : néo-gothique, néoflamand, néo-renaissant...
On fait appel aux produits céramiques, à la pierre, plus rarement au bois pour le décor.
Aucune influence hispanisante, l'unique référence au Mexique réside dans l'appellation choisie de quelques villas : villa Puebla, villa Anita, villa Morelia, villa San Carlos, La Tapatia…
Manifeste art déco
la villa Bleue
Inscrite à l'Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques depuis 1987, la villa Bleue, édifiée en 1931, porte la signature de l'architecte basque Joseph Hiriart distingué à l'Exposition des Arts décoratifs et industriels de Paris (1925).
La villa se distingue par son énorme masse cubique, le jeu polychrome des façades et ses combles brisés traités en tuile mécanique rouge. Le style art déco qui la caractérise se retrouve dans le dessin du vitrail (façade nord). Il s'agit d'un paysage industriel associant le grand magasin de nouveautés du commanditaire à México, la fabrique et les métiers à tisser. Il a été réalisé par Jacques Gruber, célèbre maître-verrier de l'École de Nancy.
De la villa à la tombe
Le projet de la villa en Ubaye ne se conçoit pas sans la construction d'un tombeau monumental dessiné parfois par le même architecte.
Exécutés dans les plus beaux marbres extraits des carrières de la Haute Ubaye, de la Chapelue (Hautes Alpes) et de Carrare en Italie, les tombes multiplient les modèles et adoptent, comme les villas, le style éclectique et fantaisiste.
L'essentiel de la riche production des années 1890-1914 se distingue par l'ambition des programmes : chapelles à colonnes, chapelles-pavillons, portiques à six colonnes qui abritent un sarcophage, tempietto, stèles... L' accent est mis aussi sur la sculpture qui se veut inventive et surprend par son illusionnisme parfait.
Les constructions portent la signature des tailleurs et marbriers piémontais installés dans la Vallée : l'atelier Pierre Rossetto et Luigi Rinaldi qui emploie jusqu'à 80 ouvriers, associé avec le sculpteur Ettore Rizzi (prix de Rome).